À lire : Compagnons de l'abbé Pierre, Loïc Le Goff

Compagnons de l'abbé Pierre, Loïc Le Goff

Catégorie : Sociologie Éditeur : Bayard ISBN : 9782227478756 Posté le par Liesel

Compagnons de l'abbé Pierre, Loïc Le Goff


Ce livre fête le soixantième anniversaire d’Emmaüs, ce mouvement caritatif laïc destiné à soutenir tous les pauvres et les exclus. Le Goff, qui fut un proche du fondateur, le célèbre abbé à béret noir et verbe haut, a recueilli des dizaines de témoignages répartis entre “Compagnons”, responsables salariés, bénévoles et amis de l’organisation.

Pour la première catégorie, à travers des textes poignants, relatant des vies toutes déchirées par l’indigence, la solitude et la plupart du temps l’alcool, il saute aux yeux, pour ceux qui n’en seraient pas encore convaincus, qu’un mauvais départ dans la vie, en dépit de quelques cas trop rares de “résilience réussie” mais de toute façon systématiquement douloureuse, est presque toujours l’assurance d’une destinée sombre. Un homme abîmé se “répare” difficilement. “Presque tous ont pour origine les structures de la DAASS, le lumpenproletariat, un monde ouvrier en perte d’identité, une petite paysannerie en voie de disparition.” C’est d’ailleurs le reproche que l’on peut faire à l’ouvrage, peut-être un peu trop exclusivement tourné vers le passé. Les acteurs des premiers temps semblent tous nostalgiques d’un avant qui ne correspond plus tout à fait à la réalité du malheur social contemporain.

Le monde de l’immigration pauvre, des sans-papiers, est seulement évoqué sans qu’aucun témoignage ne l’illustre et les “vieux” Emmaüsiens semblent tous nostalgiques d’une époque ou les Compagnons acceptaient un régime essentiellement basé sur le travail et une discipline quasi militaire qui ne fonctionne plus aujourd’hui. Mais dans la préface, l’acteur Lambert Wilson rappelle la philosophie de l’abbé Pierre : “Accorder son regard, c’est faire exister l’autre” tandis que l’actuel président du mouvement Emmaüs France, Christophe Deltombe, conclut par le rappel d’une valeur de base : l’imagination solidaire. C’est peut-être aussi l’occasion de se souvenir qu’Emmaüs est le nom d’un village de Palestine, proche de Jérusalem, où Jésus fut accueilli spontanément pour dîner par deux de ses disciples qui ne l’avaient pourtant pas reconnu et se sentaient désespérés par l’annonce de sa crucifixion.

La confiance et l’ouverture à autrui, quel qu’il soit, quelles que soient les circonstances, c’est la part belle de l’Humain qu’il répugne trop souvent à montrer dans un monde de plus en plus dur aux faibles… De quoi méditer et agir !