Il a non seulement le regard et le sourire de Barack mais aussi, si l’on en croit ce récit, la même capacité d’analyse et une identique énergie à tenter d’améliorer le sort de ses semblables. George Hussein Obama – le cadet, contrairement à son aîné, insiste sur son second prénom par une conviction filiale plus que spirituelle – témoigne ici d’une vie chaotique. Lucide, le jeune homme critique la tradition des Luos, l’ethnie paternelle, qui ôte à une veuve tous ses biens, y compris, parfois, ses enfants. Ainsi sa mère l’a-t-elle élevé seule, avec courage mais difficultés – à l’instar de Stanley Ann Dunham, la mère de Barack – un temps épaulée par un amant français venu travailler dans l’humanitaire au Kenya. Le système militaire des pensionnats hérité de la colonie britannique déplaît au garçon qui, dès le départ du Français, sombre dans la délinquance. George devient un petit voyou dont le seul horizon est de se saouler au changa’a, sorte d’absinthe locale, et de fumer du cannabis à haute dose avec ses copains des quartiers pauvres où il s’est enfui. Au sein du bidonville de Nairobi qui porte le nom d’Huruma – “miséricorde” en swahili – le jeune Obama trouve un temps une forme de consolation, parlant de “l’étreinte chaleureuse du ghetto et de son confortable anonymat”. Notamment par rapport à la prison où ses méfaits n’ont pas manqué de jeter l’adolescent. Il poursuit la comparaison : “La prison insulte les sens comme Huruma, sauf qu’ici, il n’y a ni rires, ni vitalité, ni lumières.” C’est pourtant un séjour de plusieurs mois derrière les barreaux, dans cet épouvantable Enfer où il n’est pas rare que des détenus meurent de faim, faisant ainsi “naturellement” baisser les chiffres de la population carcérale, qui fait réfléchir l’auteur de cet ouvrage. Une fois dehors, George opte pour une rédemption au service des autres, fondée sur l’organisation de patrouilles de ramassages d’ordures, un peu sur le modèle de l’abbé Pierre et ses chiffonniers d’Emmaüs. Si le repenti cherche à profiter de la notoriété de son célèbre frère, lui-même engagé jadis dans un travail social à Chicago, c’est au service des plus pauvres en qui George Obama place toujours sa confiance : “A travers la générosité de ceux qui n’ont rien, je prends conscience de ce que le ghetto peut apprendre au reste du monde, s’il veut bien l’écouter.” Loin de tous les stéréotypes habituels entre safaris, images esthétisantes des Masaïs désormais transformés en attrape-touristes ou même l’écriture élégante de Karen Blixen, on découvre là une vision sombre mais pas sans espoir du Kenya d’aujourd’hui. “Il existe une grande misère humaine dans les bidonvilles, mais aussi beaucoup de courage et de potentiel” dit encore le petit frère du président des Etats-Unis d’Amérique qui élargit son regard critique à tout le continent et regrette, par exemple, qu’il n’y ait pas “d’Opération liberté” pour débarrasser le Zimbabwe de son dictateur Mugabe... Laurent Gbagbo ne serait probablement pas d’accord !