Il s’appelle Charles Traoré mais préfère son surnom de Charly, celui qu’utilisent ses copains Yéyé, Freddy ou même sa mère, Joséphine, quand elle est de bonne humeur. On pourrait croire la vie de Charly poétique puisqu’il habite la tour Rimbaud et fréquente le collège Charles-Baudelaire.
Mais non, le quotidien du garçon reste gris dans cette archétypique cité de banlieue où les jours tournent plus moroses les uns que les autres, plombés par la pauvreté et l’ennui d’un horizon bouché. Un matin, à 8 heures, tout s’emballe pourtant quand des policiers viennent arrêter Joséphine. Est-ce à cause d’un ultime mauvais coup d’Henry, l’aîné, devenu toxico et toujours à traîner à « Courchevel », la zone où l’on trouve de la poudre ? Ou des nouvelles du père disparu au Mali avant même la naissance de Charly ? Le lecteur ne lâche pas d’une page le récit à la première personne de cette journée pas comme les autres, entre angoisse et espoir. Car dans ce monde noir comme l’Enfer, il y a aussi l’irrésistible Mélanie Renoir dont Charly est amoureux et les Roland, un vieux couple accueillant dans son pavillon fleuri…
On retrouve avec délice le style de Benchetrit, qui surfe magistralement entre émotion et auto-dérision à la Woody Allen ou Spike Lee. Cela fait aussi songer à la poésie de Said Bahij et ses jeux de mots sur les noms d’artistes, jetés comme des cache-misère dans le monde des pauvres. Un extrait de la prose de Charly : “Ça nous a fait quelque chose quand on s’est retrouvés à Paris devant le musée. Vous parlez d’une beauté. Et dans le car, on avait tellement l’air débile à regarder ce bijou, qu’on aurait pu mettre une pancarte handicapés, à l’arrière. Parce que pour nous, Picasso c’est une barre de béton gris, avec une pelouse pleine de trous et des merdes de chiens, des halls sales sans lumières. Pour nous, Picasso, c’est moche. Alors, quand on a vu le musée, ça nous en a mis un coup. J
e sais pas si vous y êtes déjà allé, mais je vous le conseille. Pour trouver, c’est facile, ça ressemble à un château au milieu de Paris.” Un vrai coup de cœur… en dedans ! Et le point final donne envie de voir Charly sortir du volume pour pouvoir relire Rimbaud avec lui.