À lire : Madame de La Ferté-Imbault, philosophe et femme d’affaires à la cour de Louis XV, Louis Hamon, Perrin.

Madame de La Ferté-Imbault, philosophe et femme d’affaires à la cour de Louis XV, Louis Hamon, Perrin.

Catégorie : Biographie Éditeur : Perrin ISBN : 9782262037246 Posté le par Liesel

Madame de La Ferté-Imbault, philosophe et femme d’affaires à la cour de Louis XV, Louis Hamon, Perrin.


“Quand je la considère, je suis étonnée comme une poule qui a couvé un œuf de cane” dit madame Geoffrin de sa fille unique, Marie-Thérèse. Cette dernière le lui rend bien, jugeant lourde la charge d’avoir pour mère l’égérie de d’Alembert et des encyclopédistes anti-cléricaux. La jeune fille prend ainsi sa génitrice comme contre modèle et s’engage aux côtés du parti dévot. Puis elle enseigne aux sœurs du Dauphin, le futur Louis XVI, la philosophie “classique” – Confucius, Socrate, Descartes ou Malebranche – plutôt que celle des Lumières. C’est elle aussi qui s’entremet pour faire échouer la candidature de Diderot à l’Académie, toujours dans cet esprit de rivalité intellectuelle et politique avec sa mère qu’illustrent à merveille les portraits de Nattier placés au cœur de cette biographie : Marie-Thérèse Geoffrin pose sans ornement, à l’antique, appuyée sur un exemplaire du “Traité de l’amour et de l’amitié” de madame Lambert tandis que sa fille arbore les colifichets en vogue à la cour de Louis XV; nœuds de satins, perles fines et domino de bal. Par son mariage avec le marquis de la Ferté-Imbault, noceur de peu de relief dont elle révèle abruptement mais avec sincérité que le trépas lui inspire “une joie immodérée et embarrassante”, la jeune femme devient l’amie des Bourbon-Conti, des Luynes, des Rohan. Ainsi s’ouvrent à elle les portes de Versailles. Marie-Thérèse saura aussi s’attacher le beau-père du roi, Stanislas Leszcynski, le cardinal de Bernis ou le ministre Maurepas pour qui elle prend fait et cause dans l’affaire du rappel des Parlements, en 1774. Trois ans auparavant, celle qu’on surnomme “la princesse Carillon” pour son parler haut dû à une forme de surdité survenue après le choc de la mort de sa fille, lance le “Sublime ordre des Lanturelus”. Toute l’Europe monarchiste, y compris l’impétueuse Germaine de Staël, s’entiche du cénacle bouffon créé par plaisanterie lors d’une partie de whist. Mais la révolution aura raison de la marquise qui confie dans une lettre à un proche datée du 24 juillet 1789 : “La Révolution m’a attaqué les nerfs de façon que je suis incapable d’affaires (…) Paris n’est plus Paris, la Cour n’est plus la Cour, les troupes du roi ne sont plus rien.” Maurice Hamon, historien de la Compagnie de Saint-Gobain jadis appelée “manufacture royale des glaces” dont la prospérité fit la fortune de la belle-famille de l’héroïne comme en témoigne la galerie des glaces à Versailles, trace ici un portrait enlevé. Partagée entre son attachement aux valeurs d’Ancien Régime et sa position de femme chef d’entreprise piquée de philosophie – Marie-Thérèse prit la direction de la fabrique au moment de son veuvage –, cette bourgeoise anoblie par le mariage, si elle paraît parfois abrupte ou contradictoire, sait aussi émouvoir. Particulièrement quand elle explique, à sa manière enjouée, jamais plaintive, loin de l’introspection contemporaine, comment “sa raison fut obligée de prendre des forces triomphantes” : “(…) ce fut le grand rôle que mon père et ma mère me firent jouer, à mon âge de douze ans, de me prendre alternativement pour la confidente et la négociatrice de leurs querelles journalières.” Un cas qui aurait probablement intéressé le docteur Freud…