À lire : Une histoire politique du pantalon, Christine Bard

Une histoire politique du pantalon, Christine Bard

Catégorie : Histoire Éditeur : Seuil ISBN : 9782021004076 Posté le par Liesel

Une histoire politique du pantalon, Christine Bard


Sous l’impulsion des élus Verts et Communistes, “le conseil de Paris autorise les femmes à porter le pantalon” annonce en première page le Figaro du 29 septembre dernier. Voilà abrogée, dans la capitale, l’ordonnance du préfet de police du 7 novembre 1800, exigeant des femmes qui souhaitaient “s’habiller en homme” une autorisation de l’administration. Pointe déjà ici la misogynie du Premier consul que Bonaparte révèlera pleinement à travers le code civil. Cette interdiction du travestissement montre aussi une volonté de répression de l’homosexualité.

Si, à la fin du XIXème siècle, l’écrivaine Rachilde, la peintre Rosa Bonheur ou l’archéologue Jane Dieulafoy ont recours à l’étrange ordonnance, quelques pionnières éparpillées outrepassent l’autorisation, déguisées en ouvriers dans des ateliers interdits aux femmes, pour “gagner plus” puisque les hommes ont de meilleurs salaires. Par un étonnant rapprochement, les Musulmanes qui défendent aujourd’hui le port du voile, au-delà du commandement religieux, utilisent les mêmes arguments paradoxaux des usagères du pantalon d’alors : volonté de se fondre incognito dans un monde dominé par des hommes prédateurs sexuels ou au contraire façon d’affirmer une personnalité hors norme, indépendante autant qu’ostentatoire.

C’est la question que traite avec brio le foisonnant ouvrage de Christine Brard, déjà à l’origine d’un “Ce que soulève la jupe” aux éditions Autrement. Partant de la définition du fameux vêtement bifide qui descendrait des braies de “nos ancêtres les Gaulois” – habit porté sur le bas du corps et séparant les deux jambes – l’historienne analyse tous ses révélateurs sociologiques. Si le pantalon emprunte son nom à un personnage grotesque de la commedia dell’arte des Vénitiens, il devient, après la chute de l’Ancien régime et de ses falbalas tant masculins que féminins – tels les uniformes de soie rose du régiment du pourtant très viril prince de Ligne – symbole du pouvoir. L’étude rappelle comment non seulement on interdit, au XIXème siècle, à la femme de porter ce vêtement mais aussi comment l’homme se voit prohiber toute autre forme d’ornement que celui qui est devenu l’emblème de la virilité.

“La Grande Renonciation masculine” fait ainsi basculer les hommes du côté de l’austère costume cravate auquel ils n’ont toujours pas renoncé, près de deux cents ans plus tard, tandis que leurs compagnes, à juste titre, s’habillent désormais comme elles l’entendent : robe, jupe, pantalon, bermuda, short... Un livre qui donnera peut-être envie, également, de revoir “Madame porte la culotte” avec Katherine Hepburn, belle actrice culottée dans tous les sens du terme ou se moquer de Joséphine de Beauharnais qui, en pleine révolution, ajoute à sa signature le qualificatif de “sans-culotte montagnarde”.